Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, une triste nouvelle a secoué le pays, le Président Jovenel Moïse a été assassiné dans sa résidence privée à Pèlerin 5 dans la commune de Pétion-ville. Cet événement a plongé Haïti dans une situation politique indescriptible jumelant avec l’insécurité déjà insurmontable pour le gouvernement. Avant même cet assassinat, les institutions républicaines étaient déjà en décadence, certaines bancales étant chasse gardée du pouvoir en place, d’autres dysfonctionnelles etc. Le Parlement haïtien seule institution de contrôle de l’action gouvernementale, pour sa part, était dysfonctionnel, car le mandat des députés de la 50e législature et de deux tiers du Sénat étant arrivé à terme. Le ‘’Parlement’’, avec un tiers de Sénateurs, n’avait pas la force politique nécessaire pour prendre le gouvernail du pays à lui tout seul, en référence de l’échec des multiples tentatives du président du dernier tiers du Sénat d’alors, Joseph Lambert Présidant du grand Corps, pour prendre le pouvoir. La Cour de Cassation, l’instance judiciaire suprême, était également dysfonctionnelle. Avant sa mort, le Président Jovenel Moïse avait renvoyé sinon mis à la retraite trois juges accusés de complot contre lui, ce qui a conduit au dysfonctionnement réel et sans précédent de la plus haute instance judiciaire du pays.
Le gouvernement intérimaire dirigé par le Premier ministre a.i Claude Joseph était sur le point de passer les charges du pouvoir au Dr Ariel Henry, nommé en date du 5 juillet 2021 par le Président Jovenel Moïse après un consensus politique avec certains acteurs du monde politique. Cependant, les événements qui ont eu lieu dans la nuit du 6 au 7 juillet ont poussé le Premier ministre a.i. Claude Joseph à rester au pouvoir en raison du vide politique dans lequel se trouvait le pays et du fait que Ariel Henry n’a pas été installé dans ses fonctions comme le voudraient les procédures administratives et institutionnelles. La solution constitutionnelle pour combler le vide Présidentiel n’existait pas. A ce moment-là, il fallait à tout prix se diriger vers un consensus politique. Quelques jours plus tard, soit le 20 juillet 2021, le Dr Claude Joseph a remis le pouvoir au Dr Ariel Henry à la suite d’une demande expresse de la communauté internationale exprimée via un message sur les réseaux sociaux.
Le pays a raté l’occasion d’engager le dialogue national prôné depuis des lustres par le feu Turneb Delpé, lequel dialogue entre les différents secteurs de la vie nationale devrait accoucher un pacte de gouvernabilité. La manière dont le Premier ministre Ariel Henry a été intronisé à la Primature par décision de la communauté internationale n’augurait rien de bon pour le pays. L’avenir s’annonçait déjà sombre en raison de ces manœuvres politiques qui viennent s’ajouter à celles déjà existantes dont les pratiques sont néfastes pour le pays. Depuis lors, près de deux ans se sont écoulés et le Premier ministre Ariel Henry ainsi que ses ministres sont les seuls aux commandes.
Or, selon l’article 133 de la constitution haïtienne de 1987, le Pouvoir Exécutif est exercé par un Président de la République en tant que chef de l’État et un Premier ministre en tant que chef du gouvernement. Près de deux (2) ans après l’assassinat du président Moïse, même l’Exécutif n’est pas au complet, le pays est dirigé par un Pouvoir Exécutif avec un seul chef aux commandes, le Premier ministre Ariel Henry, en tant que chef du gouvernement et de l’Exécutif. Le pouvoir législatif n’est toujours pas renouvelé après la fin du mandat des parlementaires de la 50ème législature, le Pouvoir Judiciaire trottine avec des juges nommés par le gouvernement d’Ariel avec des artifices non-constitutionnels, non-conventionnels.
Les articles 58 à 60.2 de la constitution haïtienne de 1987 garantissent pourtant la souveraineté nationale à travers la cohabitation des trois pouvoirs de l’État et l’indépendance de chaque Pouvoir dans ses attributions. Aucun pouvoir ne peut s’immiscer ou intervenir dans les attributions d’un autre pouvoir. Eu égard aux prescrits constitutionnels, il est un fait indéniable que le pays a perdu sa souveraineté par l’absence des trois (3) pouvoirs de l’état ainsi que la cohésion entre ceux-ci. Sous les regards complices des différentes sphères de la vie nationale, le pays sombre dans une anarchie des plus déplorables. Les autorités en place ne montrent aucun signe de volonté de rétablir les pouvoirs manquants. Le comportement des représentants des pays amis d’Haïti nous laisse perplexe quant à la possibilité d’entre aide pour parvenir à une amélioration de la situation chaotique du pays.
En Haïti, près de deux ans après l’assassinat du Président Moïse, la démocratie est en agonie plus que jamais. Les institutions républicaines ont disparu, il n’y a pas de contre-pouvoir et la durée du mandat du pouvoir en place n’est pas définie. Ironie du sort, malgré cette triste réalité, Haïti continue de siéger dans le concert des nations et de prendre position sur des questions d’actualité mondiale aux côtés d’autres États. Pendant ce temps, la situation socio-politique et économique du pays demeure extrêmement préoccupante.
Il est donc légitime de se demander ce qu’il faut faire pour pousser le gouvernement d’Ariel Henry à travailler pour rétablir le processus démocratique dans le pays s’il en est capable ou de remettre les rênes du pays. Qui pourra arrêter le pouvoir du gouvernement d’Ariel Henry?
Chebert LINDOR
29 mai 2023