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L’enfer c’est les autres : le mot « autre » peut être moi, toi, nous et sûrement Jovenel Moïse

Ce texte publié sur le site de Haïti standard émane de l’une de nos lectrices. Il n’engage que son auteure animée du désir de partager ses idées et réflexions avec nos lecteurs et lectrices.

S’il est un intellectuel penseur qui me procure autant de bonheur, il s’appelle Jean Paul Sartre. Quand je savoure « Huis Clos », j’ai le sentiment d’être close avec l’auteur. J’ai la folle idée que je l’écoute me lire ses propres idées. Je parcours l’œuvre jusqu’à découvrir une phrase. Elle est simple et transversale. Elle est phrase. Elle est éloquence. Elle est diplomatie. Elle est politique. Elle passe à travers tout.

À chaque fois que mon esprit se donne la liberté de penser au chef d’État haïtien, cette phrase se bouture à mon esprit et je n’ai qu’une envie : la dire si fort en l’adaptant à ce qu’on vit aujourd’hui, jusqu’à ce qu’il arrive aux deux trous de la tête du président.
Mes excuses de vous faire trop de détours dans mes phrases, mais je vous avoue que ce n’est pas de ma faute. Il est tellement délicat de produire un papier sur le président de la République. Son cas est si délicat ! Voyons !

Un Homme ne se résume pas à sa constitution biologique, c’est-à-dire les yeux, les pieds, le ventre, le bas ventre et autres. Non. Un Homme est celui qui sait quand prendre les bonnes décisions. C’est celui qui ne vend pas sa dignité. C’est celui qui se voit dans une perspective collective et qui peut avoir honte.

Dans la première phrase du discours de la méthode, Descartes n’a écarté personne, mais il me semble qu’il existe une exception.
Deux mois depuis que nous sommes cloîtrés. Nous sommes restés à la maison à la merci du jour et au bienvenu de la nuit. Nos projets naviguent sur une eau incertaine. Dans la bouche de tous les jeunes résonne un seul refrain ; celui du désespoir et de la peur. Les cris des manifestants me parviennent jusque dans mes entrailles.

Deux mois depuis que la vie ne peut pas être reprise. Les portes des écoles et des tribunaux sont fermées. Monsieur, comprenez vous ce que cela voudrait bien dire quand, dans un pays, l’école et la justice ne fonctionnent pas. Monsieur le président, Portail Léogane et ses environs sont devenus criminogènes. Monsieur le président, les familles n’en peuvent plus. Monsieur le président, la jeunesse meurt. On ne veut plus se baigner dans le sang de nos propres corps. On ne veut plus vivre sous le même joug que la misère.

On n’accepte plus que les balles soient nos seules mélodies les soirs. Monsieur, on ne veut plus compter les jours que l’on voit. Beaucoup de jeunes sont tombés juste par ce qu’ils demandent une meilleure condition de vie. Beaucoup d’enfants sont traumatisés et beaucoup de personnes sont fatiguées de regarder les quatre murs de leurs maisons chaque jour. Ce n’est même pas une prison, car cette dernière a ses principes.

Monsieur, vous dirigez quoi ? Vous êtes président de quel pays ? Ne me répondez pas, mais faites ce que vous devez faire. Pensez vous qu’il existe une possibilité de réconciliation avec un pays où toutes les couches sociales se soulèvent ? Attendez-vous bientôt au soulèvement des zombis, car je suis sûre qu’eux aussi, ils ne peuvent pas se reposer en paix dans un pays où le calme prend la fuite depuis environ deux ans. Monsieur, votre présence au pouvoir nous fait peur. Vos conférences nous agacent. Vos incohérences nous énervent. De quel saut êtes vous arrivé là où vous êtes ?

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Nous en avons marre. Pardonnez nous les discours sans fond. Pardonnez nous les incohérences de vos conférences de presse. Pardonnez nous cette monotonie dans vos réponses. Nos oreilles veulent rester chastes. Vous nous irritez. Nous ne voulons plus de vous.

Cette politique de mettre fin aux contrats est sans fondement et ne concerne pas le peuple. Monsieur, vous réglez vos affaires personnelles. N’utilisez pas le mouvement d’un peuple assoiffé d’une vie meilleure qui investit les rues pour la demander. Ne faites pas semblant que vous ignorez les cris de la jeunesse. À qui vous vous adressez ? Comment dire que vous vous adressez à un peuple qui ne vous écoute pas. Ne prenez plus la parole, ou du moins prenez la parole pour nous dire ce dont nous voulons entendre. Le petit mot à trois syllabes.

Honte à tous ces journalistes qui vous accordent la parole. Honte à tous ceux qui vous vendent leurs consciences et dignité. Honte à tous ceux qui veulent la pérennisation de notre malheur.

Entre promesse non tenue, massacre, et gouvernement illégitime, vous êtes plus près de la démission. Vous ignorez le sens de cette crise dans laquelle plonge Haïti et vous n’avez aucune volonté de la sauver. Monsieur, il me semble qu’il vous faut des volontaires pour vous expliquer l’ampleur de ce qui se passe actuellement à Martissant, au Village de Dieu, à Grand ravine, etc.

Le pays s’enfonce. Rien n’est possible avec vous. À chaque conférence de presse, c’est la réitération des mêmes mots et la tentative de renforcement des mêmes mensonges ; tantôt le système, tantôt la résiliation des contrats signés avec le secteur privé.Vous jetez d’un revers de main la cause fondamentale du soulèvement du peuple haïtien ; la dilapidation de la forte somme du PetroCaribe.

Nous sommes au carrefour où la prise d’une décision conséquente s’avère plus que nécessaire. Si rien n’est fait, nous ne pourrons plus supporter. La situation n’est plus soutenable.

Il faut démissionner.
C’est le glas !

Texte soumis à la rédaction de Haïti standard, le 2 novembre 2019

Stéphanie SAINT-SURIN